Inquiétude dans les vergers de kiwis du Sud-Ouest
Une recrudescence de dégàts dans les vergers sème l'inquiétude au sein de la filière. La bactérie PSA et le gel hivernal sont tous deux incriminés. Mais les parts de responsabilité de l'une et l'autre restent floues.
Qu'il s'agisse d'un aléa climatique ou bien d'un problème beaucoup plus profond, le dossier du PSA sème le trouble au sein de la filière. Alors que la période de floraison s'achève, la saison estivale devrait permettre de tirer de
Depuis quelques semaines, un vent d'inquiétude souffle dans les vergers de kiwi du Sud-Ouest. La faute à une recrudescence des cas de dépérissement de lianes, liés à la présence de chancres qui donnent au bois un aspect gelé. Les jeunes plantations semblent particulièrement affectées. Pour bon nombre de professionnels, la cause ne fait aucun doute.
La présence de Pseudomonas syringae pv.actinidiae, ou PSA pour faire simple, serait à l'origine de ces troubles. Derrière ce nom barbare, se cache une bactérie. Là où la situation se complique, c'est que les conditions hivernales et le gel ont très certainement participé à l'apparition de ce phénomène. Si bien qu'aujourd'hui, il est encore difficile de faire la part des choses.
Après avoir observé des cas isolés à partir de l'automne dernier, la filière a rapidement mis en place une surveillance rigoureuse des vergers. « Aujourd'hui, environ 110 hectares présentent des signes, dans la vallée de l'Adour. Certains sont affectés de manière sévère, d'autres beaucoup plus faiblement », indique François Lafitte, président de la coopérative Scaap kiwi fruits, basée à Labatut.
Ces manifestations semblent atteindre plus durement les jeunes plants et le kiwi à chair jaune. « Mais, la variété Hayward, à chair verte, et les vergers adultes sont également concernés, dans une moindre mesure », complète Julien Pédelucq, directeur de la Sikig, à Saint-Étienne-d'Orthe.Le gel également mis en cause
Si la présence de PSA ne semble faire aucun doute, les raisons de sa recrudescence et son impact réel sur les plantations restent flous. « On pense que les échanges de matériel végétal (plants et pollen) ou encore les transferts d'équipements ont pu véhiculer la bactérie », témoigne François Lafitte. Une fois présent, le micro-organisme peut contaminer une nouvelle plante, en entrant par les fleurs, les blessures de tailles, les dommages sur l'écorce dus aux càbles ou au gel, les blessures laissées par la chute des feuilles Le phénomène est probablement accentué par les pratiques d'irrigation employées pour lutter contre le gel ainsi que par la taille d'hiver. Parmi les différents responsables de la filière, Patrick Azam, de la SARL Kiwi Fruit Plus, à Guiche, fait entendre une voix quelque peu dissonante. Selon lui, le gel des lianes est la source initiale de leur dégénérescence. « En production de kiwi, on sait que l'on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, c'est le gel », explique-t-il. Cet hiver, des températures particulièrement basses, jusqu'à - 8 °C sous abris, ont été enregistrées au sein de la zone de production. « De quoi geler de jeunes plants et certaines variétés un peu plus sensibles. La PSA vient ensuite affecter les plantes qui ont subi ce gel. Cela fait trente ans que l'on doit gérer ce problème », poursuit-il. La bactérie n'est donc peut-être pas la cause, mais la conséquence du problème. Dans l'attente d'en savoir plus, la filière reste sur ses gardes. Plusieurs assemblées ont réuni les producteurs de la Scaap kiwi fruit et de la Sikig, depuis le mois de mars. Les responsables en ont profité pour alerter leurs adhérents sur les démarches à suivre. « Si quelqu'un a une suspicion, on l'encourage à contacter aussitôt un technicien, même s'il n'est pas adhérent à une organisation de producteurs. En effet, le diagnostic s'avère délicat », explique François Lafitte. Afin de se prémunir contre la PSA, des mesures préventives peuvent être prises, dès à présent. Un traitement à base cuivre, issu de l'agriculture biologique, est déjà utilisable. Les professionnels ont également sollicité le ministère de l'agriculture afin de recourir à un autre produit naturel, déjà homologué sur certaines productions fruitières. S'agissant des surfaces infectées, la réponse consiste à recéper les arbres et les charpentières qui peuvent s'avérer, elles aussi, atteintes. Le recépage repose sur la taille des parties gangrenées, provoquant la naissance de nouveaux rameaux. Vis-à -vis des moyens à mettre en oeuvre, Patrick Azam dispose d'un point de vue différent. Pour lui, la solution préventive passe plutôt par un meilleur raisonnement dans le choix des zones de plantations et des variétés. « On a sans doute trop tendance à oublier quelques règles techniques de base, comme le choix des sols en fonction de leur fraîcheur, ou encore l'exposition au vent Aujourd'hui, il ne sert à rien de tomber dans la psychose », indique-t-il. Adelbert Beyeler, responsable de la section fruit de la FDSEA des Landes veut également dédramatiser la situation. « Il est encore trop tôt pour porter un jugement », avoue-t-il. Qu'il s'agisse d'un aléa climatique ou bien d'un problème beaucoup plus profond, le dossier sème le trouble au sein de la filière. Alors que la période de floraison s'achève, la saison estivale devrait permettre de tirer des enseignements plus précis. « Aujourd'hui, nous sommes encore dans l'inconnu. L'évolution de la PSA en Nouvelle-Zélande, pays qui est également infecté et dont le cycle est décalé vis-à -vis du nôtre, va nous donner quelques indications », avoue Jean-Marc Poigt, le président de l'association Kiwi de l'Adour. Malgré le contexte, ce dernier veut rester optimiste. « Nous avons réagi très vite, en prenant le problème très au sérieux et en faisant ce qu'il fallait, dans la mesure de nos connaissances. On espère que cette réactivité va nous permettre de lutter efficacement ». Une chose est sûre, on devrait réentendre parler très vite du kiwi.
Fabien Brèthes
La PSA
La PSA est une bactérie spécifique au kiwi. « Elle ne touche pas les autres espèces et se révèle sans danger pour l'homme », insiste François Lafitte. En guise de symptômes, l'apparition de suintements, de couleur blanche puis brune, laisse place au pourrissement du bois. « Les arbres atteints ne produisent pas de fruit », précise Julien Pédelucq.
Face à un arbre, la bactérie se révèle opportuniste, c'est-à -dire qu'elle infecte des plantes déjà affaiblies. Si les premiers signes ont été observés à l'automne dans le bassin de l'Adour, des cas sporadiques avaient déjà été enregistrés par le passé dans d'autres contrées de production. Pseudomonas syringae
Le problème n'est pas nouveau
Dès 1982, le Japon et la Corée ont été les premiers pays à enregistrer des manifestations de la PSA. En 1994, la bactérie a été isolée en Italie. Mais les vrais problèmes sont beaucoup plus récents. « Entre 1992 et 2000, il y a eu très peu d'échanges entre les différents pays producteurs, en raison de la crise du kiwi. Les échanges ont repris au début des années 2000 », observe Julien Pédelucq. À partir de 2008, les vergers de la région du Lazio, en Italie du Sud, ont été très durement affectés. Depuis huit mois, la Nouvelle-Zélande, un des principaux producteurs mondiaux, est également concernée. À l'automne, les premiers cas isolés ont été constatés dans la vallée de l'Adour et aujourd'hui, la quasi-totalité des régions de production semble touchée. « La Chine ou encore le Chili sont également impactés. En France, toutes les zones de production (Sud-Ouest, Pays de Loire, Corse) ont enregistré des cas », note François Lafitte.
Réagissant de manière plus ou moins rapide, ces pays ont mis en oeuvre des moyens de lutte. La Nouvelle-Zélande a par exemple débloqué une enveloppe de vingt-cinq millions d'euros pour la recherche fondamentale. En France, les professionnels ont sollicité l'INRA et le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL), afin de mener des études sur le sujet. « L'ensemble de la filière est mobilisé », confirme Jean-Marc Poigt.
Une demande d'homologation auprès du ministère
Afin de lutter contre la propagation de la PSA, la filière a demandé au ministère de l'agriculture d'élargir l'autorisation de mise en marché du produit Serenade Max, diffusé par BASF. Ce traitement a déjà prouvé son efficacité sur d'autres productions fruitières. Spécialité à base de molécules naturelles, ce produit est notamment utilisé dans les itinéraires biologiques de la culture de la vigne. Il est composé d'une bactérie naturelle du sol, le bacillus subtilis, qui permet de lutter contre de nombreux agents pathogènes. Son mode d'action repose sur la compétition spatiale. « Ce produit permet de prendre la niche écologique de la PSA et de lutter ainsi contre l'infection », indique François Lafitte.
« On croit beaucoup en ce produit, poursuit le président de la Scaap, ce serait une solution supplémentaire pour traiter les vergers ». La décision du ministère de l'agriculture devrait intervenir à très court terme. « Nous espérons une réponse favorable dans les prochains jours, précise Jean-Marc Poigt. Les résultats obtenus en laboratoire s'avèrent très intéressants. Nous espérons pouvoir en profiter au plus tôt ».
Si la présence de PSA ne semble faire aucun doute, les raisons de sa recrudescence et son impact réel sur les plantations restent flous. « On pense que les échanges de matériel végétal (plants et pollen) ou encore les transferts d'équipements ont pu véhiculer la bactérie », témoigne François Lafitte. Une fois présent, le micro-organisme peut contaminer une nouvelle plante, en entrant par les fleurs, les blessures de tailles, les dommages sur l'écorce dus aux càbles ou au gel, les blessures laissées par la chute des feuilles Le phénomène est probablement accentué par les pratiques d'irrigation employées pour lutter contre le gel ainsi que par la taille d'hiver. Parmi les différents responsables de la filière, Patrick Azam, de la SARL Kiwi Fruit Plus, à Guiche, fait entendre une voix quelque peu dissonante. Selon lui, le gel des lianes est la source initiale de leur dégénérescence. « En production de kiwi, on sait que l'on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, c'est le gel », explique-t-il. Cet hiver, des températures particulièrement basses, jusqu'à - 8 °C sous abris, ont été enregistrées au sein de la zone de production. « De quoi geler de jeunes plants et certaines variétés un peu plus sensibles. La PSA vient ensuite affecter les plantes qui ont subi ce gel. Cela fait trente ans que l'on doit gérer ce problème », poursuit-il. La bactérie n'est donc peut-être pas la cause, mais la conséquence du problème. Dans l'attente d'en savoir plus, la filière reste sur ses gardes. Plusieurs assemblées ont réuni les producteurs de la Scaap kiwi fruit et de la Sikig, depuis le mois de mars. Les responsables en ont profité pour alerter leurs adhérents sur les démarches à suivre. « Si quelqu'un a une suspicion, on l'encourage à contacter aussitôt un technicien, même s'il n'est pas adhérent à une organisation de producteurs. En effet, le diagnostic s'avère délicat », explique François Lafitte. Afin de se prémunir contre la PSA, des mesures préventives peuvent être prises, dès à présent. Un traitement à base cuivre, issu de l'agriculture biologique, est déjà utilisable. Les professionnels ont également sollicité le ministère de l'agriculture afin de recourir à un autre produit naturel, déjà homologué sur certaines productions fruitières. S'agissant des surfaces infectées, la réponse consiste à recéper les arbres et les charpentières qui peuvent s'avérer, elles aussi, atteintes. Le recépage repose sur la taille des parties gangrenées, provoquant la naissance de nouveaux rameaux. Vis-à -vis des moyens à mettre en oeuvre, Patrick Azam dispose d'un point de vue différent. Pour lui, la solution préventive passe plutôt par un meilleur raisonnement dans le choix des zones de plantations et des variétés. « On a sans doute trop tendance à oublier quelques règles techniques de base, comme le choix des sols en fonction de leur fraîcheur, ou encore l'exposition au vent Aujourd'hui, il ne sert à rien de tomber dans la psychose », indique-t-il. Adelbert Beyeler, responsable de la section fruit de la FDSEA des Landes veut également dédramatiser la situation. « Il est encore trop tôt pour porter un jugement », avoue-t-il. Qu'il s'agisse d'un aléa climatique ou bien d'un problème beaucoup plus profond, le dossier sème le trouble au sein de la filière. Alors que la période de floraison s'achève, la saison estivale devrait permettre de tirer des enseignements plus précis. « Aujourd'hui, nous sommes encore dans l'inconnu. L'évolution de la PSA en Nouvelle-Zélande, pays qui est également infecté et dont le cycle est décalé vis-à -vis du nôtre, va nous donner quelques indications », avoue Jean-Marc Poigt, le président de l'association Kiwi de l'Adour. Malgré le contexte, ce dernier veut rester optimiste. « Nous avons réagi très vite, en prenant le problème très au sérieux et en faisant ce qu'il fallait, dans la mesure de nos connaissances. On espère que cette réactivité va nous permettre de lutter efficacement ». Une chose est sûre, on devrait réentendre parler très vite du kiwi.
Fabien Brèthes
La PSA
La PSA est une bactérie spécifique au kiwi. « Elle ne touche pas les autres espèces et se révèle sans danger pour l'homme », insiste François Lafitte. En guise de symptômes, l'apparition de suintements, de couleur blanche puis brune, laisse place au pourrissement du bois. « Les arbres atteints ne produisent pas de fruit », précise Julien Pédelucq.
Face à un arbre, la bactérie se révèle opportuniste, c'est-à -dire qu'elle infecte des plantes déjà affaiblies. Si les premiers signes ont été observés à l'automne dans le bassin de l'Adour, des cas sporadiques avaient déjà été enregistrés par le passé dans d'autres contrées de production. Pseudomonas syringae
Le problème n'est pas nouveau
Dès 1982, le Japon et la Corée ont été les premiers pays à enregistrer des manifestations de la PSA. En 1994, la bactérie a été isolée en Italie. Mais les vrais problèmes sont beaucoup plus récents. « Entre 1992 et 2000, il y a eu très peu d'échanges entre les différents pays producteurs, en raison de la crise du kiwi. Les échanges ont repris au début des années 2000 », observe Julien Pédelucq. À partir de 2008, les vergers de la région du Lazio, en Italie du Sud, ont été très durement affectés. Depuis huit mois, la Nouvelle-Zélande, un des principaux producteurs mondiaux, est également concernée. À l'automne, les premiers cas isolés ont été constatés dans la vallée de l'Adour et aujourd'hui, la quasi-totalité des régions de production semble touchée. « La Chine ou encore le Chili sont également impactés. En France, toutes les zones de production (Sud-Ouest, Pays de Loire, Corse) ont enregistré des cas », note François Lafitte.
Réagissant de manière plus ou moins rapide, ces pays ont mis en oeuvre des moyens de lutte. La Nouvelle-Zélande a par exemple débloqué une enveloppe de vingt-cinq millions d'euros pour la recherche fondamentale. En France, les professionnels ont sollicité l'INRA et le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL), afin de mener des études sur le sujet. « L'ensemble de la filière est mobilisé », confirme Jean-Marc Poigt.
Une demande d'homologation auprès du ministère
Afin de lutter contre la propagation de la PSA, la filière a demandé au ministère de l'agriculture d'élargir l'autorisation de mise en marché du produit Serenade Max, diffusé par BASF. Ce traitement a déjà prouvé son efficacité sur d'autres productions fruitières. Spécialité à base de molécules naturelles, ce produit est notamment utilisé dans les itinéraires biologiques de la culture de la vigne. Il est composé d'une bactérie naturelle du sol, le bacillus subtilis, qui permet de lutter contre de nombreux agents pathogènes. Son mode d'action repose sur la compétition spatiale. « Ce produit permet de prendre la niche écologique de la PSA et de lutter ainsi contre l'infection », indique François Lafitte.
« On croit beaucoup en ce produit, poursuit le président de la Scaap, ce serait une solution supplémentaire pour traiter les vergers ». La décision du ministère de l'agriculture devrait intervenir à très court terme. « Nous espérons une réponse favorable dans les prochains jours, précise Jean-Marc Poigt. Les résultats obtenus en laboratoire s'avèrent très intéressants. Nous espérons pouvoir en profiter au plus tôt ».