La DGCCRF démasque une vaste fraude sur l’origine des kiwis qui n’avaient de français que le nom
Vendus plus cher grâce à leur réputation, les actinidias de l’Hexagone attirent les convoitises des fraudeurs. La DGCCRF vient de démasquer un important trafic portant sur l’origine géographique et a lancé plusieurs procédures contre des entreprises ayant importé 15.000 tonnes de kiwis italiens, revendus sous l’étiquetage «produits en France».
C’est une fraude massive à la francisation de kiwis qui vient d’être mise à jour par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Au total, les investigations ont conduit à identifier une fraude sur environ 15.000 t de kiwis francisés sur les trois dernières années, soit environ 12% des tonnages d’origine France commercialisés dans la même période sur le territoire national. Cette fraude représente un bénéfice illicite total de l’ordre de 6 millions d’euros.
Fin 2016, la DGCCRF a reçu un signalement de pratiques supposées frauduleuses concernant une entreprise italienne qui exportait des quantités importantes de kiwis étiquetés «origine France». Sur la base de données fournies par la douane française et de contrôles auprès de ses principaux clients, les enquêteurs ont montré que cette entreprise avait commercialisé environ 3.350t de kiwis «origine France» alors qu’elle n’en avait acheté qu’une centaine de tonnes. Pour maquiller ses pratiques trompeuses, cette entreprise allait jusqu’à présenter des certificats falsifiés.
Procédure pénale lancée en Italie
Disposant d’informations solides, la DGCCRF a pu saisir les autorités italiennes via le réseau de coopération “Food fraud” mis en place par la Commission européenne après l’affaire de sinistre mémoire des lasagnes à la viande de cheval. Cela a débouché sur une procédure pénale en Italie à l’encontre de la société en question.
Par ailleurs, alertés par la présence régulière de résidus de produits phytosanitaires interdits dans l’Hexagone sur des kiwis pourtant étiquetés «origine France», les enquêteurs de la DGCCRF ont procédé à plusieurs enquêtes qui ont conduit à identifier sept autres entreprises ayant francisé des kiwis italiens. Des procès verbaux ont été transmis par la DGCCRF à la justice.
Il faut savoir que l’offre d’actinidias en provenance d’Italie bénéficie de coûts de production plus faibles. Par ailleurs, l’importance de la récolte transalpine (de l’ordre de 500.000 t) permet une vente sur une plus longue période, notamment en fin de saison, lorsque la production française n’est plus suffisante pour satisfaire la demande et que l’approvisionnement est tendu. Ce double phénomène a de quoi inciter les grossistes-importateurs tricolores ou les exportateurs transalpins à vendre de manière frauduleuse des produits italiens sous une fausse origine France.
«L’image de marque du kiwi français est écornée»
Les producteurs français, bien que déplorant cette situation, se félicitent de la diligence de la DGCCRF. «Depuis 6 ans, les professionnels avaient constaté que des importateurs proposaient à la distribution des kiwis à prix défiant toute concurrence, avec des quantités telles qu’il semblait impossible que ces fruits soient français» rappelle le Bureau interprofessionnel du kiwi (Bik).
Le Bik dénonce ce «préjudice pour le producteur, qui se voit deux fois spolié du juste fruit de ses efforts. C’est l’image de marque tout entière du kiwi français qui est écornée. Et cela, les producteurs de l’Hexagone n’en veulent pas». «Les producteurs français ont été à l’origine de la demande d’ouverture de cette enquête et nous exprimons notre entière satisfaction des résultats communiqués par la DGCCRF et de l’arrêt de cette fraude» écrit pour sa part François Lafitte, président de l’Association des Producteurs de fruits et Légumes du Sud-Ouest (Apfelso), et kiwiculteur lui-même. Les producteurs français sont «les premières victimes de cette fraude» conclut-il.
Enfin, l’interprofession des fruits et légumes frais «exprime sa satisfaction suite aux investigations de la DGCCRF conduisant à la sanction de pratiques frauduleuses». «La traçabilité est un critère essentiel : la mention d’origine est une obligation légale et un levier de réassurance incontournable pour le consommateur» écrit Interfel.
B. L.