Les biocarburants épinglés par la Cour des comptes
Dans un rapport de la Cour des comptes du 24 janvier, les filières des biocarburants sont mises à mal. La Cour mettant l'accent sur le coût pour le consommateur de la défiscalisation un bilan énergétique et environnemental moins favorable qu'annoncé au départ, tout en reconnaissant un impact positif pour l'agriculture.
Incohérences» de la politique publique d'aide aux biocarburants. Bilan agricole, écologique et énergétique mitigé, la tonalité du rapport de la Cour des comptes sur les biocarburants, publié le 24 janvier est plutôt négative. Concernant l'agriculture, le bilan est considéré comme «mitigé quoique légèrement positif». L'objectif de mettre fin à la jachère a été atteint et la diversification des débouchés «salutaire pour la betterave», «extrêmement modeste pour le blé», «un peu plus importante pour le mais».
Réussite industrielle
Impact «important» également sur les filières élevage, reconnaît la Cour, même s'il est «contesté». «La France dispose désormais d'un «appareil agro-industriel de taille européenne qui permet de produire 1,91 million de m3 de biodiesel et 1,25 million de m3 de bioéthanol», note aussi la Cour, ce qui est une «incontestable réussite au plan agro-industriel».
Surcoût pour le contribuable
En revanche, les biocarburants ont coûté aux consommateurs entre 2005 et 2010. D'abord 2,65 milliards d'euros au titre de la réduction de la TIC dont 1,8 Md€ pour la filière biodiesel et 0,85 Md€ pour la filière éthanol. Si on y ajoute l'ensemble des taxes prélevé induites par la surconsommation (l'efficacité énergétique des biocarburants est plus faible) et la TGAP, la Cour estime à 3 Md€ le surcoût des biocarburants supporté par le consommateur sur la période. «Il est de moins en moins nécessaire de faire perdurer» cette réduction de TIC conseille-t-elle. Mais elle reconnaît aussi que «l'État devient bénéficiaire dans les deux filières à partir de 2012, même en cas de dépense fiscale jusqu'en 2015».
Bilan énergétique contesté
Par ailleurs selon la Cour, «le bilan énergétique n'est pas aussi favorable qu'on pourrait le croire», même si le rapport énergie fossile dépensée/énergie produite est considéré comme positif. De plus, la pertinence environnementale «qui est celle la plus immédiatement mise en évidence pour le citoyen», reste difficile à mesurer et est de plus en plus contestée.
Au final, après 15 ans de politique en faveur des biocarburants, seuls les équilibres des politiques agricoles ont été modifiés (culture du colza, production d'huile alimentaire, de tourteaux, nouveaux débouchés pour la betterave). Mais concernant l'indépendance énergétique ou la réduction des gaz à effet de serre, les équilibres n'ont été que très peu modifiés, selon le rapport.
Des objectifs atteints
«J'aimerais qu'on n'oublie pas pour autant les emplois et les richesses créés par les biocarburants en France. Dans les années 1990, on avait 17% de terres en jachère et il fallait trouver de nouveaux débouchés à l'agriculture. De ce point de vue la filière a atteint ses objectifs», réagit Xavier Beulin, président de Sofiprotéol dans une interview au journal Les Échos du 25 janvier. Avant de souligner que «les investissements dans les biocarburants ouvrent une multitude de débouchés».
Pour Sofiprotéol dont le rapport de la cour des comptes pointe «la rente de situation» et «l'effet d'aubaine» dont a bénéficié le groupe, l'avis est beaucoup plus nuancé. Surtout, il reconnaît «l'utilité des biocarburants»: les recettes supplémentaires pour l'État, l'indépendance énergétique, la protection de l'environnement, le soutien à l'agriculture et la réduction du déficit en protéines de la France.
Un gagnant : l'État
Tout en soulignant que les recettes de l'État évoquées par la Cour des comptes ne tiennent pas compte «des recettes indirectes liées aux emplois et aux investissements réalisés dans l'ensemble de la filière biodiesel». Et que l'effet sur la réduction de l'indépendance énergétique est sous-estimé, comme d'ailleurs, l'impact des biocarburants sur la protection de l'environnement.