Les sylviculteurs du Sud-Ouest défendent la pratique de la coupe rase
Les menaces qui planent sur cette technique traditionnelle d’exploitation du massif des Landes ont été au centre l’assemblée générale du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest.
«L’heure est devenue de plus en grave sur le front de notre sylviculture… Si nous voulons continuer à faire de belles choses ensemble, il va falloir nous battre…». C’est par ces mots que Vincent Dorlanne, président du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest (Sysso), a entamé sa prise de parole lors de la 103e assemblée générale qui s’est tenue à Morcenx-la-Nouvelle, vendredi 17 septembre dernier.
Derrière cet avertissement, celui-ci avait à l’esprit la question des coupes rases en particulier. Ce sujet a d’ailleurs occupé la totalité de son discours, mais aussi une grande partie des débats de cette assemblée générale de la structure qui fédère quelque 6.000 propriétaires forestiers sur le massif des Landes de Gascogne.
Il faut dire que cette pratique, qui consiste à abattre l’ensemble des arbres du même âge (des pins maritimes notamment) au sein d’une parcelle arrivée à maturité, fait l’objet d’attaques de plus en plus fréquentes. «La petite musique initiale inaudible est devenue un flot d’excès et d’ignorances qui a gagné les plus basses sphères des réseaux sociaux et les plus hautes du pouvoir», a déploré le président Dorlanne.
Divers signaux inquiétants
En effet, les alertes se sont succédé ces derniers mois. Il y a eu d’abord le vote de la loi Climat et résilience, qui a fait l’objet de nombreux amendements prévoyant la limitation ou l’interdiction des coupes rases. Tous ont été finalement rejetés. Une motion sur le sujet a ensuite été présentée au sein même du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine lors d’une séance plénière. «Certes, la large majorité de l’assemblée régionale a rejeté ce texte, mais tout de même, aurait-on imaginé pareille attaque il y a seulement cinq ans», a souligné le représentant des sylviculteurs.
D’autres signaux inquiètent grandement les responsables du Sysso. D’autant que certains émanent de la profession elle-même parfois. Ainsi, certaines régions ont déjà adopté des schémas de gestion sylvicole établissant des restrictions en matière de coupes rases. Par ailleurs, le groupement d’intérêt public Ecofor vient de lancer une étude vouée à acquérir une expérience sur cette question. Une démarche qui laisse perplexe Vincent Dorlanne.
Pour contrecarrer ces attaques, les sylviculteurs déploient de nombreux arguments historiques, mais aussi techniques et surtout économiques. À leurs yeux, la coupe rase correspond à une pratique de bon sens, développée de manière empirique pour gérer et valoriser au mieux une forêt créée par la main de l’homme. «Le massif des Landes de Gascogne ne survivrait pas plus d’une génération à une interdiction des coupes rases, qui empêcherait toute rentabilité de son exploitation déjà limitée au regard de la valeur du capital immobilisé», estime le président. «Nous ne renoncerons jamais», a-t-il conclu.
Les Chinois ne sont pas là
Outre cette problématique, un autre dossier au cœur de l’actualité a été abordé par le secrétaire général, Éric Dumontet : le marché des bois. «Que n’a-t-on pas lu à ce sujet ces derniers mois… À en croire certains articles ou reportages, il y aurait derrière chaque arbre de France un Chinois ou un de ses mandataires attendant la moindre vente pour acheter le lot à la barbe des industriels français». Selon lui, la situation est loin d’être celle-là dans le Sud-Ouest. Éric Dumontet déplore que les symptômes d’une crise qui concerne principalement le chêne ne soient globalisés à l’ensemble de la France et des essences.
Pour l’heure, les fameux Chinois ne sont pas encore dans le massif des Landes de Gascogne. Pour autant, le responsable du Sysso confirme qu’une concurrence plus exacerbée est à prévoir. «Il faudra bien se faire à l’idée que les acheteurs étrangers viendront sur notre massif et de façon beaucoup plus conséquente que les Espagnols ne le font aujourd’hui. Un massif d’un million d’hectares, cultivés, certifiés, ne peut pas laisser indifférent, estime Éric Dumontet. Face l’arrivée inéluctable d’acheteurs chinois ou autres, notre filière a le devoir de s’organiser, de préparer les tumultes futurs».
À moyen terme, l’équilibre du marché du bois d’œuvre ne suscite que peu d’inquiétude. En revanche, les caractéristiques actuelles des peuplements suite aux tempêtes laissent présager une hausse sensible de la production de bois d’industrie dans les années à venir. D’ici quatre à cinq ans, les volumes produits pourraient dépasser le niveau actuel des besoins. De nouveaux débouchés vont donc devoir être trouvés à ce niveau.
F. Brèthes